LA SORCIERE DE MAVELINCE.
P. Dijon.
Le bois l’Abbé est situé à côté du grand bois de Barse et avait jadis une très mauvaise réputation : on racontait que quiconque s’y aventurait à la nuit tombée y rencontrait une sorcière et qu’on ne pouvait lui échapper qu’en lui abandonnant ses victuailles.
Un jour d’août 1729, un groupe de jeunes gens évoquait cette histoire lorsqu’un d’eux remit en doute la véracité des récits qui leur étaient contés. Il fit alors un pari : il devait traverser le bois à la nuit tombante, seul et sans victuailles, uniquement muni d’un gourdin en bois de cornouiller pendant que ses amis l’attendaient de l’autre côté du bois, à la ferme de la tour.
Peu après son départ, il rencontra non pas une sorcière mais une gentille fillette qui lui expliqua passer toutes ses nuits dans le bois. De ce fait, elle le connaissait mieux que personne et s’offrit au jeune homme pour l’accompagner. Après quelques minutes de marche, il se retourne et à la place de la jeune fille, se trouve une vieille femme très laide et très maigre : il comprit immédiatement qu’il s’agissait d’une sorcière. Celle-ci lui demanda s’il n’avait pas avec lui quelque chose à manger, mais ne le crut pas quand il lui dit qu’il n’avait rien avec lui. « Malheur à toi égoïste, qui bien repu n’a pas songé à ceux qui meurent de faim ; tu vas voir combien il est imprudent pour les gens gros et gras de s’aventurer chez les affamés » s’écria-t-elle. Elle appela alors un loup-garou et une coquecigrue qui se mirent à poursuivre le pauvre jeune homme.
Après une course folle, il arriva épuisé et terrorisé à l’orée du bois et rejoignit ses amis qui l’attendaient. Il était vieilli de 20 ans –ses cheveux étaient devenus blancs– et il avait eu si peur qu’il resta craintif jusqu’à la fin de ses jours ; plus jamais il n’accepta de retourner dans le bois.