LE SORCIER DES FORGES.
Emile Dantinne.
Vint un jour s’établir Chaussée des Forges, Antoine, un vieillard étrange et inconnu de tous. Il était pourtant né là-bas mais avait été enlevé par une troupe de Bohémiens ambulants à l’âge de cinq ans. Il passa son enfance dans la misère des campements et apprit bien des secrets. Quelque peu d’argent âprement gagné lui permettait de vivre petitement dans sa petite maison ; il y vivait d’ailleurs en étranger, sans relations, sans même le désir d’en nouer autour de lui.
A la Saint-Rémy des bals publics furent improvisés mais un musicien vint à manquer ; on pensa alors au vieux dont on supposait qu’il savait jouer d’un instrument. Il accepta et joua du violon, en le tenant passionnément contre son cœur ; il se révéla que le vieux était un musicien prodigieux et sa prestation fut un véritable triomphe, le spectacle se termina dans les acclamations du public. Le mur de verre qui séparait le solitaire inconnu de la vie était désormais brisé.
Peu après, il fut invité à passer la soirée au café, où il raconta tous ses voyages. Tous se passionnaient pour ses histoires et lui demandèrent qu’il leur dise les secrets des bohémiens. Cela était impossible, mais il accepta de leur montrer ce qu’il était capable de faire : il les changea alors tous quelques instants en chevaux. A la suite de cela, il réalisa d’autres prodiges et très vite sa réputation fut faite.
Un jour, alors qu’il était attablé à l’estaminet où se trouvaient aussi plusieurs habitués, entra un inconnu aux yeux mauvais. Le vieux Antoine alla trouver Michel, le tenancier et le mit en garde : il s’agissait d’un voleur d’enfants et Michel avait une fille, une belle petite aux cheveux dorés. En un rien de temps, le voleur d’enfant se jeta sur la petite et la mit dans un sac. Le vieux se transforma alors en un énorme molosse et se rua sur l’homme, qui soudainement se transforma en chat sauvage. Il allait réussir à fuir lorsque le chien pris la forme d’un épervier et se jeta sur le dos du chat. Le chat se transforma en couleuvre et essaya de prendre la fuite, mais le vieux Antoine l’en empêcha et le tua. La petite fille fut ainsi sauvée et Antoine fut définitivement accepté par les gens de la région.